Au début, je voyais seulement ma transition comme le moyen de permettre à mon corps de correspondre à ce que je suis : un homme. Mon but était uniquement de pouvoir me regarder dans la glace sans dégout et de pouvoir être perçu par les autres sans aucun doute possible sur mon genre.
Maintenant, quatre ans après les premiers changements je réalise qu’il s’agit aussi et surtout d’un changement complet de statut social. Aux yeux de la société, je suis devenu UN ami, UN amoureux, UN fils, UN petit-fils, UN frère…
La langue française genre tout et donc de fait, ma place dans la société, dans ma famille est genrée.
Cela crée de jolies cases dans lesquelles il faut rentrer coûte que coûte… Je pourrais ici te parler de la non-binarité du genre mais n’étant pas moi-même concerné, je ne vais pas aborder ce sujet à la place des personnes non-binaires elles-mêmes.
Revenons donc à ce changement de statut. Aujourd’hui, rien ne me fait douter de mon identité de genre et c’est justement cette confiance qui me permet d’être plus souple avec les différents statuts qui composent ma place dans la société.
Un exemple, mes parents ayant eu un enfant assigné fille à la naissance, ils m’ont élevé comme tel avec certains codes sociaux même si je n’ai pas reçu une éducation particulièrement stéréotypée. Et donc quand un deuxième enfant, lui aussi assigné fille à la naissance est venu au monde, j’ai acquis le statut de sœur ainée. J’ai pris ce rôle très à cœur et je pense que le fait que nous ayons été élevé comme deux sœurs a beaucoup joué sur notre relation et notre construction individuelle.
Donc, malgré mon identité de genre masculin, mes différentes opérations et le changement de mes papiers, je suis et reste le sœur de ma sœur car il s’agit de mon statut et non à mes yeux d’un terme remettant mon genre en question.
Cependant, pour en arriver à cette conclusion il m’aura fallu du temps et assez de confiance en mon identité de genre pour me permettre de la souplesse dans mon vocabulaire.
En anglais, grâce au terme « siblings » tout aurait été plus simple mais aujourd’hui, personnes non-binaires, trans ou en questionnement sont obligées de vivre avec une langue française qui genre leurs différents statuts, leurs actions.