Suis-je une citoyenne à part entière ? – Marie

Suis-je une citoyenne à part entière ? – Marie

janvier 2017 --- Catégorie : Coup de gueule

logo de l'association. Cinqs cuillères aux couleurs de l'arc en ciel, rangé de manière circulaire

Il y a quelques mois j’ai été convoquée pour être jurée en cour d’assise. Si de prime abord j’étais plutôt réticente vis-à-vis de cette expérience ( il faut avouer qu’entendre toute la journée des horreurs de meurtres et viols ne me mets pas du tout en joie !), je dois avouer que celle-ci était au final intéressante. Cela m’a en effet permis de me familiariser avec le système judiciaire en France et ses rouages. Cependant, j’ai pu remarquer qu’il y a dans ces dits rouages quelque chose qui bloquait : c’était des marches, juste des marches. Car je vous le donne en mille, si le tribunal et la salle des audiences étaient adaptés aux personnes en situation de handicap, l’espace réservé aux jurés, lui, ne l’était clairement pas.

En effet, les jurés ne doivent pas être en contact avec la partie civile où se trouve l’accusé et se retirent donc à chaque séance dans une salle qui leur sert aussi pour délibérer. Or, cette salle n’était accessible qu’avec un escalier (en colimaçon s’il vous plaît). Lorsque j’en ai fait part à la présidente et aux assesseurs qui nous accompagnaient, ils m’ont affirmés qu’il n’y avait pas de soucis, qu’ils savaient s’adapter et que si une personne en fauteuil (oui parce que une personne en situation de handicap est forcément en fauteuil) était jurée, il suffisait qu’elle passe par la salle d’audience pour accéder à la cour et à la salle de délibération.

Cette réponse m’a fait rire jaune ! j’imagine dans cette situation où tu ne dois pas du tout , mais alors pas du tout te sentir mal à l’aise, de rentrer par la salle d’audience avec les victimes, ainsi que leur famille et celle du prévenu (tu auras peut-être même la chance de te faire interpeller par ceux-ci : le pied !). Alors que le reste du jury a le droit à une entrée particulière.

Mais surtout ce qui m’a fait grincer des dents, c’est que cette solution n’est même pas envisageable, car le jury et la cour se tiennent sur une estrade et que cette dite estrade n’est accessible qu’avec des marches et sans rampe. IDEM pour la salle de délibération. Donc comment fait-on? on vole ? Évidemment à l’extrême limite l’exploit est peut-être possible pour une personne en fauteuil roulant manuel, mais ceux en fauteuil électrique ? Et les personnes non-voyantes ? Et les sourds ? …. Bref, la route pour être juré est (littéralement) scabreuse aux personnes en situation de handicap.

Alors certes la présidente m’a rappelée que selon la loi française, ils doivent s’adapter à la personne en situation du handicap ; c’est joli et noble sur le papier, mais concrètement comment fait-on ?

Et puis au-delà des problématiques matérielles que j’ai soulevées, il y a l’aspect symbolique qui est plus grave. Effectivement, les jurés sont des citoyens tirés au sort grâce au listes électorales, afin qu’ils participent à juger des crimes. Ce système judiciaire basé sur le principe de démocratie et d’égalité entre les citoyens, est à la fois un droit et un devoir pour chacun d’entre nous (à la condition d’avoir plus de 23 ans et un casier judiciaire vierge). Maintenant si on empêche une partie de la population d’exercer ce devoir, – on les vire par la même occasion du système législatif – tout simplement à cause de locaux inadaptés, on serait en droit de se poser cette question :

Si on m’empêche d’accomplir mon devoir civique, suis-je un citoyen à part entière ?

A méditer.


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