L’hémiplégie a rendu mon corps parfois gauche et maladroit : quoi de plus normal avec la moitié de mon corps partiellement paralysé me direz-vous. Ainsi je ne compte plus le nombre de vaisselles et d’objets fragiles qui ont fini leurs existences éparpillées sur le sol et cela grâce à mes mains lâcheuses. Les petites actions du quotidien peuvent être plus compliquées comme prendre sa monnaie qui finit 9 fois sur 10 par rouler sur le sol. Et cela se répercute au reste de mon corps : trébucher en m’emmêlant les jambes, me cogner et cogner les autres… Bref la liste est longue.
Si cette maladresse est en soi juste gênante (on se remet tout.e.s d’un bol cassé) et même parfois cocasse selon les situations, les conséquences étaient plus au niveau de mon estime de moi en général:
Dès ma prime jeunesse, on m’a toujours dit que j’avais deux pieds gauches et lorsque j’ai grandi j’ai pu constater que ces commentaires ou les regards à ce corps gauche m’indisposaient de plus en plus. Adolescente je supportais difficilement ce corps qui me semblait une carcasse encombrante toujours prête à me lâcher, me défier à la moindre occasion. Ainsi à chacun de ces petits caprices je m’excusais cent fois pour le dérangement et je me morigénais cent fois pour ma conduite et me promettais à chaque fois de faire plus attention, de me tenir plus droite etc. Évidemment mes efforts pour contenir cette gaucherie étaient vains ; et plus je m’agaçais, plus les actes devenaient malhabiles : c’était devenu un cercle vicieux. Une petite guerre entre mon corps lourd et moi.
Mais au début de ma vie d’adulte, j’ai pris conscience qu’il fallait que je m’adapte avec mon corps et non pas contre lui. J’ai appris des techniques simples comme prendre un portemonnaie plus grand pour éviter la chute de pièces.
J’ai aussi appris à écouter mon corps : les jours ou je suis fatiguée et donc que mes actions deviennent catastrophiques, j’évite si je peux les situations plus à risque comme concrètement ne pas débarrasser le lave-vaisselle à ce moment-là. J’ai pris aussi du recul et appris que ces gestes manqués n’étaient qu’un instant T : si mes mains lâchent trois fois par jours, elles m’aident les 80% du temps restant même gauchement.
Par ailleurs la culpabilité aggrave les choses : alors certes maintenant si mes maladresses indisposent les personnes je m’excuse-raisonnablement-mais en pensant à mon acte et non en remettant en cause mon corps tout entier. Et surtout je n’oublie pas que cela arrive à chacun.e d’entre nous.
Pensez-y quand vous ferez tomber le service à thé de grand-mère !